La Vis

Étymologie de La Vis

Nous relevons dans le cartulaire de Lodève le nom de la rivière flumen " Virs " ; dans le cartulaire de Gellone : la rivière " Virs ", le village de " Virsicco " ou " Virsec ", la vallée de " Virencha ".
" Virs " est devenu " Vis " (" Vis " dans les compoix du XVIIe siècle); " Virsec " ou " Virsicco " sont devenus " Vissec ". Seul le mot " Virenque ", nom actuel du thalweg sec, a conservé la forme vir dérivant de la forme antique vera, celtique ou même pré celtique signifiant " rivière ".

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Provenance et profil de La Vis

Si la Vis suscite l'étonnement admiratif du promeneur par son aspect original, le géographe, lui, se complait à pénétrer son étrange complexité.
Des ruisseaux issus du massif du Saint-Guiral se perdent dans les fissures calcaires de la masse caussenarde, près de Sauclières et d'Alzon. Particularité étonnante de ces lieux, à partir de ces pertes jusqu'à la résurgence de la Foux, on se trouve en présence de lits de rivière absolument secs. Tandis que le thalweg asséché de la Virenque sépare le causse du Larzac du causse de Campestre, celui de la Vis sépare les causses de Blandas et de Campestre. Ils confluent un peu avant le village de Vissec dont les trois agglomérations s'alignent parallèlement entre les méandres pierreux. Pendant cinq kilomètres encore, la rivière est caillouteuse, sèche, énigmatique. Soudain, voilà la Foux, énorme masse d'eau sortant du flanc droit avec une force des plus vives. C'est la renaissance de la Vis.
Cette curieuse rivière ne l'est-elle pas tout d'abord par sa provenance ? Des chercheurs ont longtemps émis des hypothèses sur ce point.
Au début du siècle, le spéléologue Mazauric, n'ayant pu la remonter intérieurement entre les rochers que sur une infime distance, présuma que l'eau venait du nord.
Le professeur Marres, énonçait lui aussi, dans Les Grands Causses, en 1935: " Le profil en long de la rivière dessine une courbe convexe au lieu d'une courbe concave entre le point où la rivière pénètre dans les calcaires des Causses au moulin de Larcy et le point où la résurgence ramène à 362 mètres l'eau et la vie dans ces gorges silencieuses. Nul doute que le véritable profil s'inscrive souterrainement en dessinant une concavité régulière reliant le point où la rivière se perd à la grande source de la Foux. Nous saisissons ici la façon dont le profil en long peut s'élaborer souterrainement dans le calcaire. "

En 1947, une expérience fut entreprise par le CNRS afin d'essayé de résoudre cette énigme. Le spéléologue R. de Joly fut chargé de procéder à une coloration massive de la perte d'Alzon au moyen du plus fort colorant connu, la fluorescéine (inoffensive et pouvant teinter une masse d'eau quarante millions de fois supérieur à la sienne).
Les maires des communes environnantes furent prévenus afin de faire surveiller les émergences et tâcher de détecter l'apparition de la couleur verte. La tentative fut faite le 23 juillet; le 21 août, la Foux vomissait la teinte attendue. Cette expérience justifiait les thèses rapportées ci-dessus, en montrant à quel point le cours d'eau sous terre restait compliqué : vingt-neuf jours pour parcourir environ treize kilomètres ! Que de galeries, de couloirs ramifiés, de gouffres ! Que de siphons, de torrents tumultueux intérieurs ! La définition du causse, " véritable château d'eau ", s'appliquait une fois de plus au bassin alimentaire de la Foux.

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Crues et assèchement de la Vis

La nature fantasque de la Vis transparaît surtout dans ses crues prodigieuses et dans son assèchement.
Ses crues sont rares mais effrayantes pour l'habitant des gorges. Alors qu'une rivière normale permet à ceux qui vivent sur ses rives de la voir sensiblement s'accroître, celle-ci se singularise par sa venue imprévue et soudaine. Beaucoup plus terrible, en ces moments-là, en amont de sa " Foux ", elle semble y accentuer son caprice comme pour mieux narguer le riverain du " Vissec ". Après de gros orages, les thalwegs ordinairement secs sont parcourus par d'énormes torrents. Des glissements de terrain se produisent l'eau rapide et grondante emporte fagots et troncs d'arbres, cause de graves dégâts dans les récoltes précaires de ses bords. Aussi les villageois sont-ils désagréablement surpris lorsqu'ils voient leur rivière morte reprendre vie et ce n'est qu'avec crainte qu'ils emploient l'expression " le Vissec est venu ". Un dicton populaire veut que la rivière revienne neuf fois consécutives si sa première crue a lieu avant Toussaint. L'Automne et l'hiver 1953-1954, avec leurs pluies répétées, furent particulièrement favorables à ces visites inopportunes. Les plus vieux disent n'avoir jamais vu de passages aussi désastreux: des jardins et des vignes furent anéantis, presque tous les peupliers arrachés et emportés. Et le petit chemin qui coupe le méandre blanc ne fut-il pas chaque fois démoli, et chaque fois opiniâtrement reconstruit! Dans le lit concave du torrent depuis peu asséché, on pouvait voir, au printemps, la rude trace: réminiscence de son activité première qu'il lui avait plu de se redonner.
En 1870, une inondation causa grand effroi à la famille du meunier de la Foux. C'était par une nuit d'automne particulièrement orageux. Durant plusieurs jours, la pluie n'ayant cessé de tomber avait désagrégé les roches et arraché la terre de la montagne. Cinq cents mètres en aval du moulin solitaire, des monceaux de pierrailles qui avaient dévalé des parois empêchaient presque complètement la marche de la rivière. De la Foux, le torrent démesurément grossi sortait avec une force tumultueuse. L'eau montante, arrêtée par l'obstruction, s'élevait sans cesse... et commençait à envahir le moulin. L'inquiétude des braves gens grandissait... Ils n'eurent d'autre ressource que de se hisser sur le toit de leur rustique demeure. Le fracas de l'orage, amplifié fortement par le rétrécissement des gorges augmentait leur angoisse. Le père, la mère, leurs quatre enfants blottis contre eux par l'épouvante, passèrent ainsi toute la nuit... Sous le tonnerre ininterrompu que l'écho puissamment roulait de strate en strate, elle leur parut sans fin... À l'aube, la pression accentuée du cours d'eau finit par vaincre l'obstacle. Ils bénirent ardemment le matin qui leur apportait la délivrance.
Est-il surprise plus angoissante que celle provoquée par l'assèchement de la Vis ? Bien que ce fait se produise très rarement, on conserve dans lé pays le souvenir des arrêts momentanés de sa source. En 1890, la rivière resta sèche pendant vingt-quatre heures, Le meunier profitant du tarissement de sa Foux, essaya d'y pénétrer mais ne put franchir les gours et les rocs énormes au-delà de vingt mètres.
Le même phénomène se reproduisit en 1922, pendant deux heures. On raconte à Navacelles qu'un pêcheur, se trouvant seul à proximité de la résurgence lorsqu'elle s'arrêta, revint rapidement au village saisi d'une frayeur intense. D'autres arrêts ont encore été observés : en 1927, la Foux a cessé de couler pendant huit heures et en 1961 pendant six heures. L'assèchement le plus important paraît s'être produit au XVII siècle. Sur les anciens registres paroissial de Navacelles, on peut lire au-dessus d'un acte de baptême signé " Saint-Léger, curé " : " L'an mil sept cent soixante et dix-neuf et le neuvième jour du mois d'avril, la rivière de Navacelles tarit totalement au grand étonnement de tout le monde; elle resta huit jours dans cet état, le huitième jour sur le soir on s'aperçut à la Foux qu'elle commençait à venir; le lendemain au point du jour elle fut à peu près dans son état ordinaire, assez claire, grossissant néanmoins d'une manière sensible, sur les neuf heures, elle grossit tout à coup et devint fort trouble de couleur rouge. On sait qu'elle avait tari autrefois pendant quelques heures. "
Au sujet de ce phénomène qui s'est manifesté à diverses résurgences, notamment en Suisse et en Italie, les experts admettent la thèse suivante : des éboulements encombrent les torrents souterrains ; lorsque la pression de l'eau accumulée devient assez forte, elle entraîne ces matériaux qui, probablement argileux déterminent la couleur anormalement rouge du cours d'eau.
Nul doute que la durée des tarissements de la Vis soit due également à des éboulements intérieurs de plus ou moins grande importance.

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A la découverte de la source de La Foux

Actuellement, voici le parcours le plus facile pour se rendre de Navacelles à la Foux: dans le Gard, prendre en voiture, à Navacelles, la route D 113 qui conduit à Blandas ; vers trois kilomètres, à gauche d'un petit terre-plein, un sentier descend jusqu'à la Foux.
À pied, on peut se rendre de Navacelles à la Foux à pied en remontant le cours de la rivière (environ une heure et demie).
En voiture, on peut également se rendre dans le cirque de Vissec et continuer à pied jusqu'à la Foux. Mais il est inutile d'arriver jusqu'à Vissec; laisser la voiture au dernier tournant avant le village. Là, suivre à pied le sentier qui conduit jusqu'à la résurgence de la Vis (à peine trois-quarts d'heure de marche).
Les formes capricieuses de la pierre vive, les roches colossales qui, perpendiculairement, enserrent le lit sec composent un décor des plus sévères. C'est le canyon du silence. La rivière blanche, inondée de galets réfléchissant sous le soleil une lumière aveuglante, l'imprègne de son mystère.
Cette curiosité impressionnante pousse le promeneur à aller de l'avant. Il voit la Gorge se resserrer peu à peu ; du sentier où il longe l'étroitesse extrême du canyon, il décèle soudain un bruit sourd et confus... Il s'approche... Un vrombissement énorme se précise, une masse d'eau jaillit bouillonnante et pure. C'est la résurgence réputée qui ramène la vie au fond du ravin aride. Entre des falaises verticales y tenant lieu de berges, un torrent impétueux roule une eau verte et mousseuse. Cavernes, abris sous roches, ponts naturels ajoutent à la sauvagerie du lieu. Entourée d'arbres caducs, de plantes à fleurs s'enchevêtrant pour y mieux tamiser une clarté inopportune, la Foux mugissante fait naître l'épouvante et l'angoisse au cœur du visiteur, mais aussi soudainement elle fait plus que cela, elle le ravit.

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