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Crues et assèchement de la Vis
La nature fantasque de la Vis transparaît surtout dans ses crues prodigieuses et dans son assèchement.
Ses crues sont rares mais effrayantes pour l'habitant des gorges. Alors qu'une rivière normale permet à ceux qui vivent sur ses
rives de la voir sensiblement s'accroître, celle-ci se singularise par sa venue imprévue et soudaine. Beaucoup plus terrible, en ces
moments-là, en amont de sa " Foux ", elle semble y accentuer son caprice comme pour mieux narguer le riverain du " Vissec ".
Après de gros orages, les thalwegs ordinairement secs sont parcourus par d'énormes torrents. Des glissements de terrain se produisent
l'eau rapide et grondante emporte fagots et troncs d'arbres, cause de graves dégâts dans les récoltes précaires de
ses bords. Aussi les villageois sont-ils désagréablement surpris lorsqu'ils voient leur rivière morte reprendre vie et ce
n'est qu'avec crainte qu'ils emploient l'expression " le Vissec est venu ". Un dicton populaire veut que la rivière revienne neuf
fois consécutives si sa première crue a lieu avant Toussaint. L'Automne et l'hiver 1953-1954, avec leurs pluies répétées,
furent particulièrement favorables à ces visites inopportunes. Les plus vieux disent n'avoir jamais vu de passages aussi désastreux:
des jardins et des vignes furent anéantis, presque tous les peupliers arrachés et emportés. Et le petit chemin qui coupe le méandre
blanc ne fut-il pas chaque fois démoli, et chaque fois opiniâtrement reconstruit! Dans le lit concave du torrent depuis peu asséché,
on pouvait voir, au printemps, la rude trace: réminiscence de son activité première qu'il lui avait plu de se redonner.
En 1870, une inondation causa grand effroi à la famille du meunier de la Foux. C'était par une nuit d'automne particulièrement
orageux. Durant plusieurs jours, la pluie n'ayant cessé de tomber avait désagrégé les roches et arraché la terre
de la montagne. Cinq cents mètres en aval du moulin solitaire, des monceaux de pierrailles qui avaient dévalé des parois
empêchaient presque complètement la marche de la rivière. De la Foux, le torrent démesurément grossi sortait avec
une force tumultueuse. L'eau montante, arrêtée par l'obstruction, s'élevait sans cesse... et commençait à envahir le
moulin. L'inquiétude des braves gens grandissait... Ils n'eurent d'autre ressource que de se hisser sur le toit de leur rustique demeure.
Le fracas de l'orage, amplifié fortement par le rétrécissement des gorges augmentait leur angoisse. Le père, la mère, leurs
quatre enfants blottis contre eux par l'épouvante, passèrent ainsi toute la nuit... Sous le tonnerre ininterrompu que l'écho
puissamment roulait de strate en strate, elle leur parut sans fin... À l'aube, la pression accentuée du cours d'eau finit par vaincre
l'obstacle. Ils bénirent ardemment le matin qui leur apportait la délivrance.
Est-il surprise plus angoissante que celle provoquée par l'assèchement de la Vis ? Bien que ce fait se produise très rarement, on conserve
dans lé pays le souvenir des arrêts momentanés de sa source. En 1890, la rivière resta sèche pendant vingt-quatre
heures, Le meunier profitant du tarissement de sa Foux, essaya d'y pénétrer mais ne put franchir les gours et les rocs énormes au-delà
de vingt mètres. Le même phénomène se reproduisit en 1922, pendant deux heures. On raconte à Navacelles qu'un pêcheur, se trouvant
seul à proximité de la résurgence lorsqu'elle s'arrêta, revint rapidement au village saisi d'une frayeur intense. D'autres arrêts
ont encore été observés : en 1927, la Foux a cessé de couler pendant huit heures et en 1961 pendant six heures. L'assèchement
le plus important paraît s'être produit au XVII siècle. Sur les anciens registres paroissial de Navacelles, on peut lire au-dessus
d'un acte de baptême signé " Saint-Léger, curé " : " L'an mil sept cent soixante et dix-neuf et le neuvième
jour du mois d'avril, la rivière de Navacelles tarit totalement au grand étonnement de tout le monde; elle resta huit jours dans
cet état, le huitième jour sur le soir on s'aperçut à la Foux qu'elle commençait à venir; le lendemain
au point du jour elle fut à peu près dans son état ordinaire, assez claire, grossissant néanmoins d'une manière
sensible, sur les neuf heures, elle grossit tout à coup et devint fort trouble de couleur rouge. On sait qu'elle avait tari autrefois pendant
quelques heures. " Au sujet de ce phénomène qui s'est manifesté à
diverses résurgences, notamment en Suisse et en Italie, les experts admettent la thèse suivante : des éboulements encombrent
les torrents souterrains ; lorsque la pression de l'eau accumulée devient assez forte, elle entraîne ces matériaux qui, probablement
argileux déterminent la couleur anormalement rouge du cours d'eau.
Nul doute que la durée des tarissements de la Vis soit due également
à des éboulements intérieurs de plus ou moins grande
importance.
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